La critique en situation de devoir compenser un manque de visibilité dans les salles

Thierry Lounas : Aujourd'hui, les critiques sont en situation de devoir compenser le manque de visibilité, de durée d'exposition des films.

Quand on parle du Wang Bing, c'est intéressant.

Aujourd’hui, au lieu que le film reste un an à l'écran, il faudrait en parler un an à l'avance pour que, les quinze jours où il est là, tout le monde se précipite ! La vraie sortie est extrêmement limitée, c'est ça le problème. C'est pour ça que pour le film d'Albert je dis qu'on n’est pas pressés. On va en parler, on va en reparler, si quelqu'un veut le passer dans six mois, ce sera possible, on sera toujours là ... et c'est là où les gens doivent être fidèles et c'est aussi le sujet du film... est ce qu'on a envie de suivre le Quichotte ou pas ?

Pourquoi montrerais-tu le film finalement ? Et pourquoi pas organiser une rencontre ? Et c'est vrai que dans six mois, on peut très bien présenter une nouvelle discussion, remontrer le film. Parce qu'on parlait de l'intérêt du film, il est très simple au-delà du Quichotte : il raconte une histoire d'amour qui ressemble à toutes les histoires d'amour. C'est un espèce de couple un peu vieillissant avec l'un vieux, un peu mythomane, autoritaire et insupportable et l'autre qui décide de continuer à être fidèle, à le suivre et à l'accompagner jusqu'au bout. Ce couple qui est là complètement isolé et presque désocialisé, je trouve que c'est une très belle histoire qui rejoint plein d'autres histoires d'amour.

Par rapport à tout cela, le rôle critique devient de plus en plus compliqué, quand on disait tout à l'heure qu'on est partis de la critique pour sortir le film, on est complètement à l'envers.

C'est vrai que l'offre de films ou de copies est globalement bien trop importante. On va se poser la question à Premiers Plans dans une semaine (Thierry fait allusion au colloque qui s'est la semaine suivante dans le cadre du festival) de savoir s'il y a trop de films produits, s'il y a trop de films montrés ?

Mais c'est vrai qu’aujourd’hui, l'idée de rater un film n'est plus un problème pour personne. On rate cent, deux cents films tous les ans. Alors rater Honor de Cavalleria ou un autre, finalement, on rate toujours plein de beaux films…

Donc oui, il faudrait en parler très longtemps à l'avance pour que celui qui rate le film soit forcément au courant et que s'il le rate c'est qu'il n’y en avait qu'un. C’est grave. Le problème de la critique aujourd'hui c'est le problème de la désignation des œuvres, ce n'est plus le problème des œuvres, il y en a plein. Mais c'est comment désigner dans un monde où il y a du DVD, de la VOD...

Le raisonnement de l‘action
Honor de Cavalleria

Saison I • épisode 1

20 janvier 2007 à Angers
au cinéma Les 400 coups
et au Centre de Congrès,
dans le cadre du festival Premiers Plans