Honor de Cavalleria / La Chevalerie, c'est le raisonnement de l'action

Cyril Neyrat : Ce que vous dites sur le hors-champs, ce que disent Emmanuel et Albert, tout cela se rejoint. C'est quasiment un hors-champ métaphysique. Pourquoi n’a-t-on pas cette sensation d'être enfermé ? Parce qu'on est sans cesse branché, pas uniquement sur le personnage de Don Quichotte, mais aussi sur le travail d'Albert, bizarrement, par l'extrême sensualité du film. Peut-être que l'écart et le lien entre la sensualité profonde du film et le côté très mental, spirituel de Don Quichotte font qu'on est tout de suite branché sur un hors-champ immense, métaphysique, en tout cas, qui se situe largement au-delà de ce qu'est l'espace de cinéma habituel. Ça rejoint tout à fait ce que dit Emmanuel (se tournant vers ce dernier) : quand tu dis qu'il est dans un dépassement de l'opposition entre action et réflexion.

Et le film se termine presque là-dessus. Il y a une phrase à la fin du film qui dit « La Chevalerie c'est le raisonnement de l'action ». Je crois que le film c'est exactement ça. Quand je l'ai revu ce matin ça m'a fait penser à une autre phrase, à un fameux début de film, Le petit soldat de Godard, qui commence par « Le temps de la réflexion est terminé, pour moi commence le temps de l'action. » Pour Godard, c'est essentiel, la modernité du cinéma se pense dans cette espèce de déplacement de l'opposition entre réflexion et action, parce que justement on peut être dans les deux à la fois. Et le film d'Albert c’est ça aussi, en permanence. Il crée une espèce d'indécision entre action et réflexion, entre extrême présence sensuelle des choses et aussi un espace métaphysique omniprésent.

Le raisonnement de l‘action
Honor de Cavalleria

Saison I • épisode 1

20 janvier 2007 à Angers
au cinéma Les 400 coups
et au Centre de Congrès,
dans le cadre du festival Premiers Plans