Hésitations… jusqu'où aller dans l'accompagnement, la séduction…

René Guret : Un petit point quand même sur lequel nous ne sommes pas du tout d'accord. Tu dis d'un coté il faut qu'ils le voient, que ce n'est pas grave s'ils n'aiment pas et d'un autre tu dis que tu es dans une situation confortable parce que ce n'est pas toi qui reçois les remarques... mais ce n'est pas ça le problème !

Pour moi l'enjeu, ce n'est pas que l'élève nous dise, « Je n'ai pas aimé, je me suis ennuyé », on a l'habitude d'assumer ça, même avec nos propres cours. Ce qui est beaucoup plus grave, c'est que ça va le marquer dans son existence, ce serait dommage que l'effet que ça lui fasse ce soit le rejet définitif et qu'il dise « Moi tout ce qui vient de ce coté-là, je ne le verrai plus ». Il sera peut-être dans l'erreur, il va peut-être perdre beaucoup de choses et ça c'est très grave !

C'est pour cela qu’est très importante la façon dont on va présenter le film, parce que ce n'est pas sans enjeu. On ne peut pas se dire, « Ce n'est pas grave s'il n'aime pas, s'il y en a qu'un qui aime, ça aura toujours eu un effet. » Les élèves à qui on a fait lire un texte de force et à qui ça n'a pas plu sont des élèves qui ne liront plus jamais rien et c'est dommage. Il aurait mieux fallu passer par la séduction et leur mettre quelque chose d'accessible qui leur permette d'accéder à autre chose.

Christophe Caudéran : Je ne suis pas convaincu de ça. Je crois qu'il n'y a pas de règle absolue. Parce qu'il y a toute la dimension du sensible comme disait Cyril. Le film est très simple mais il faut être capable d'accepter que ce soit cette simplicité qui aussi est belle. Ça, c'est en fonction de chaque personne, de chaque individu. Je suis tellement content s'il n’y en a même un seul, si un enseignant me dit qu'il y a un élève qui a trouvé ça formidable. Ça c'est génial ! Pour le Wang Bing qui a été montré dans un lycée à Mayenne, deux cent-treize élèves ont vu au moins une partie du film. Il y a eu trois cent cinquante-six entrées en tout. Certains ont donc vu deux parties (88), d'autres trois (17), et seulement sept élèves ont vu les quatre parties, mais je trouve ça déjà formidable !

Lise Couedy-Gruet : Là où je me trouve, il n’y a pas que nos propres réticences qui jouent dans le fait d’hésiter à programmer un tel film : c'est aussi que le public à des a priori. A Saumur par exemple, sur les séances Art et essai que nous organisons en version originale, seules fonctionnent celles pendant lesquelles, justement, on accompagne le public, les autres rassemblent de l’ordre de cinq personnes sur cinq jours. C'est pour cela que l'exploitant hésite un peu. On voit bien la nécessité de tout un travail d'accompagnement. Ce ne sont pas des réticences, d’ailleurs, mais plutôt des interrogations : comment mettre en place le film le mieux possible ? Cela suppose une soirée, c'est pour ça aussi que c'est ambigu, on ne peut pas le projeter toute une semaine. Si on le projette une soirée avec un accompagnement du public, ça lui donne un statut particulier qui n'est pas forcément sain non plus. On est un peu coincé par rapport à ça.

Le raisonnement de l‘action
Honor de Cavalleria

Saison I • épisode 1

20 janvier 2007 à Angers
au cinéma Les 400 coups
et au Centre de Congrès,
dans le cadre du festival Premiers Plans